30/07/2023

Il est 05:20 du matin.
Je dors essentiellement mal, j’évite les anxiolytiques.
Je ne suis pas dépressive non plus.

Il y’a 3 ans et demi, ma vie était balayée par la survenue du covid en Chine.
Aujourd’hui encore, je suis coincée dans ce post-bouleversement.
Trois. ans et demi.

Au début de la perte, je théorisais l’idée que le changement me déposerait quelque part, dans un paysage différent, nouveau et créateur d’opportunité si je savais les voir.
C’était assez excitant, je me voyais à l’aube d’une nouvelle aventure de vie que je suivrais en temps réel – j’étais aussi enceinte de pas mal de mois et hormonalement complètement disjonctée.
J’avais appelé ce mouvement la Vague : l’arrêt brutal, la perte de contrôle puis la survenue d’un nouveau paysage.
Mais je suis toujours roulée par le mouvement circulaire et engloutissant de cette fameuse Vague qui ne me dépose nulle part.
Pas de nouveau paysage à l’horizon.

A la suite de la perte de mon entreprise et de tout ce que j’avais construit professionnellement et qui contribuait à me tenir debout, j’ai reçu beaucoup de messages de soutien, de gens plus ou moins proches, parfois inconnus (je tenais un journal dont je publiais une partie sur Facebook). J’ai d’abord été très touchée par ces messages : tu es courageuse, tu es une femme forte, énergique, solaire même, tu vas t’en sortir, tu as les ressources, ne t’inquiète pas, tu vas rebondir, ça va aller… Des histoires de phénix.
Au début les mots me réconfortaient, puis ils ont commencé à me peser.
Je n’ai pas rebondi.
Je suis restée coincée.
L’injonction positiviste à la résilience a fini par devenir tellement insupportable que j’ai cessé de donner de mes nouvelles.
Le traumatisme s’est installé en moi durablement et je n’ai pas eu d’autre choix que de le prendre en colocation, essayer de le déloger à tout prix m’épuisait. C’est un colocataire fort encombrant.
Ce qui ne m’a pas tuée ne m’as donc pas rendue plus forte, ça m’a rendu différente.
Ce que j’ai perdu en lignes de CV, en décrochage professionnel, voire en désintérêt complet pour le travail – note pour plus tard : ne pas montrer ces lignes à mon conseiller Pole Emploi – je l’ai gagné en humanité.
Alors évidemment l’humanité c’est pas hyper vendeur ces temps-ci.
Ce que j’ai perdu en énergie productive, je l’ai gagné en recul, en réflexion, en empathie, toutes sortes de qualités qui ne sont pas vraiment efficaces pour me refaire un profil LinkedIn.
Descartes dit que le meilleur moyen de sortir d’une forêt est de marcher tout droit sans se poser de question. Je dois être au fin fond de l’Amazonie d’avant les années 80, je marche tout droit, je ne fais pas abstraction de forêt, je la contemple et j’y apprends de nouvelles formes tous les jours.
J’ai repris des études de philosophie, je dessine, j’écris – encore des activités assez peu efficaces en terme de retour sur investissement.
Pendant ce temps là, mon traumatisme ronronne, il faudrait que je lui trouve un petit nom.

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Résilience ta mère – autoportrait