En choisissant le petit Opinel vert à bout rond pour éplucher des pommes de terre pour la purée de Rose, j’ai pensé à mon grand père.
Il est mort en mai dernier, à la fin du premier confinement en France alors que j’étais coincée en Chine depuis plusieurs mois déjà.
Je me souviens de lui, assis à la table de cuisine en bois carrelée dans la grande maison de Dordogne. Il dépliait du papier journal et épluchait sans relâche des kilos de pommes de terre pour la smala de petits enfants et parfois même de leurs parents.
En écrivant ces lignes, je vois très nettement ses mains aux doigts épaissis, brunies par le soleil d’été, la façon dont l’une empoignait les tubercules et l’autre tenait avec précision le petit couteau de cuisine pointu à manche en bois délavé pour peler toutes ces pommes de terre.
Je me souviens de blagues et de sourires, de sa voix sonore, je me souviens de la chaleur et de la porte de la cuisine ouverte sur le jardin verdoyant qui laissait passer les chiens et les petits enfants dans un sens puis dans l’autre comme un ballet incessant.
Parfois je lui proposais mon aide, et il me disait en riant « Marianne, avec tes épluchures on pourrait nourrir un régiment ! » et sans doute, il m’envoyait préparer l’apéro.
Je pense aussi à Van Gogh et à la noirceur.
Encre et aquarelle sur papier Canson – 21×29,7 cm