Ce matin, je me suis souvenue de cet homme qui habitait au rez-de-chaussée à gauche dans mon immeuble à Pékin, un péruvien je crois.
Il était professeur dans une des myriades d’écoles maternelles qui se réclament de la pédagogie Montessori dans la capitale chinoise, sa femme était professeur de yoga, ils avaient monté un petit studio dans leur appartement. Sur la porte, j’avais remarqué des petites affichettes avec des phrases bienveillantes ou des petits mantras qui vantent les bienfaits de la méditation et de la sérénité sur des petits papiers colorés, décorés de motifs tibétains ou floraux.
Nous l’avons rencontré plusieurs fois à l’époque du Covid, souvent avec son fils, un petit garçon en âge d’être à la maternelle. Aucun de nous ne travaillait à cette époque et aucun de nos enfants n’allait à l’école.
Un jour de printemps, il a interpellé Antoine dans la cour de notre résidence. Il était très agressif. Il lui a expliqué qu’il ne devrait pas fumer dans la cour, qu’il n’était pas un père responsable, qu’il mettait la santé de nos enfants et de tout le voisinage en jeu, il criait. Il a lancé quelques insultes et a disparu.
Nous ne l’avons pas recroisé.
Quelques mois plus tard, je discutais avec une voisine qui m’apprit qu’il avait bu une bouteille de colle pour tenter de se foutre en l’air et qu’il était entre la vie et la mort dans un hôpital chinois. J’avais en effet vu passer des appels au dons sur les réseaux sociaux pour payer les frais hospitaliers exorbitants d’un énième étranger sans assurance.
Elle pestait contre lui en expliquant que son geste était égoïste et qu’il laissait derrière lui sa femme surendettée et son fils. Elle a rajouté quelques insultes contre les hommes en général.
De la colle.
Dessin encre et aquarelle sur papier
21×29,7