Ça fait trois nuits que je ne dors pas vraiment.
Hier soir, je me suis couchée fatiguée et quand j’ai éteint la lumière, les pensées parasites se sont bousculées à l’entrée de ma conscience. Elles gigotent, elles proposent, elles ferrent et une fois hameçonnée, le sommeil devient souvenir.
C’est à ce moment là que je sais que tout effort d’endormissement est inutile, les deux soirs précédents, j’ai pris des tranquillisants avant même d’essayer de lutter. Hier soir, quand la comédie a commencé avec l’obscurité, je n’avais aucune envie de me laisser piéger par ce flot d’images et de mots répétitifs qui viennent captiver mon attention mais pas envie non plus d’avoir recours à la chimie qui me laisse un étourdissement collant au réveil, alors j’ai pensé au drap jaune.
Dans la journée, j’avais fait une lessive et étendu un drap jaune sur le fil à linge dans le jardin. Cette nuit, à chaque survenue parasitaire, j’ai mis le drap jaune juste devant ma conscience, comme un écran. A chaque fois, je l’ai placé entre le flot de pensées anarchiques et incontrôlables qui vient me chercher et ma raison, puis je l’ai regardé flotter mollement, le temps que j’ai pu. Je l’ai rappelé des dizaines de fois, me forcer à penser au mots le drap jaune, à l’objet qu’ils signifient, le visualiser et le placer exactement là, au centre de a vision nocturne, entre ma conscience et ces cinématiques aimantées qui m’aspirent vers des voyages qui n’ont pour fin que la venue des première lumières de l’aube.
J’ai fini par m’endormir d’un sommeil sans qualité.
Ce matin, j’ai plié et rangé le drap jaune.
Crayon et aquarelle sur papier Canson – 21×29,7 cm